mardi 17 juillet 2012

Hemingway réédité... avec 47 fins différentes


Aux Etats-Unis, on publie une nouvelle édition de «L’Adieu aux armes» d’Hemingway, mais une édition pas comme les autres: elle inclut les 47 dénouements envisagés par l’auteur.


Né en 1899 dans l'Illinois, ERNEST HEMINGWAY est l'auteur d'une oeuvre considérable couronnée par le prix Nobel en 1954. Il se suicide à Ketchum, dans l'Idaho, en 1961. (c)Sipa
Né en 1899 dans l'Illinois, ERNEST HEMINGWAY est l'auteur d'une oeuvre considérable couronnée par le prix Nobel en 1954. Il se suicide à Ketchum, dans l'Idaho, en 1961. (c)Sipa
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Etre écrivain n’est pas de tout repos; dans une lettre du 28 mai 1934, Hemingway disait à son confrère Fitzgerald qu’il écrivait une bonne page pour quatre-vingt-dix autres nulles. C’est peu dire qu’Ernest était rarement satisfait de son travail. On comprend mieux alors pourquoi il a écrit quarante-sept conclusions pour «L’Adieu aux armes» (1929). Elles viennent enfin d'être publiées, aux Etats-Unis, chez Scribner. 
Rassembler ces différentes fins n’a pas été une mince affaire; jusqu’alors personne ne savait vraiment combien de fois l’écrivain s’y était pris pour «trouver les mots justes», comme il le disait lui-même. Dans une interview à la «Paris Review» en 1958, il déclarait que les derniers mots de son roman avaient été retravaillés trente-neuf fois; Bernard S. Oldsey, spécialiste de son œuvre, avait répertorié quarante et un dénouements. C’est finalement Seán Hemingway, son petit-fils, qui a mis tout le monde d’accord. Pour cela, il s’est rendu à la bibliothèque J.F.Kennedy de Boston, où sont entreposés certains manuscrits de son grand-père.

Comment dire adieu 47 fois?

Mais quel intérêt y a-t-il à publier ces fins si l’écrivain les a écartées? Dans le «New York Times», Seán Hemingway estime que les apprentis écrivains y trouveront quelques bons conseils pour l’élaboration d’un livre. L’éditeur pense que c’est aussi un moyen d’alimenter l’intérêt pour l’écrivain. Il y a donc une part de marketing; Susan Moldow, de Scribner, avoue qu’il faut maintenir les classiques à jour sinon «les gens n’y voient plus d’intérêt». Le coup est réussi: en plus du texte déjà connu, on retrouve la couverture originale, une introduction signée par le maître en personne, un avant-propos de son fils Patrick et les esquisses de différents passages. Pas mal pour une vingtaine de dollars.
La nouvelle édition de "L'Adieu aux armes"
La nouvelle édition de "L'Adieu aux armes" (DR)
Ce type de réédition n’est pas monnaie courante en France. On n’a pas l’habitude de toucher les chefs-d’œuvre, ces «statues» qui «encombrent les voies de la littérature», comme disait Giraudoux; il y a pourtant un véritable intérêt littéraire, cette édition est une manière de voir l’écrivain devant son bureau. S’y ajoute une dimension ludique: on pourra désormais donner sa propre fin à ce célèbre roman qui, sur fond de Première Guerre, relate l’histoire d’amour tragique entre un ambulancier américain et une infirmière britannique.

Florilège d’adieux

Les fins élaborés par Hemingway font aussi bien une phrase que plusieurs paragraphes. En voici quelques-unes:
La numéro 1, “The Nada Ending”:
Il n’y a rien à ajouter cette histoire. Catherine est morte et je vais mourir et c’est tout ce que je peux vous promettre».
La numéro 7, la “Live-Baby Ending”:
Il n’y a pas de fin mis à part la mort et la naissance est le seul début».
Mais la  plus intéressante est sans doute celle suggérée par l’auteur de «Gatsby le Magnifique» (numéro 34):
Il [le monde] tue les très bons et les très doux et les très courageux sans faire de distinction. Si vous n’en faites partie, vous pouvez être sûr qu’il vous tuera aussi, mais sans se presser outre mesure».
En 1943, Hemingway confiera à son avocat que la proposition de Fitzgerald était une «idée idiote».
Pour toutes les connaître, il faudra se procurer l’ouvrage en anglais; aucune édition française n’est pour le moment annoncée. En attendant, les non anglophones pourront se replonger dans la version originale de «Paris est une fête», sortie l’année dernière chez Gallimard. 
Xavier Thomann
A Farewell to Arms: The Hemingway Library Edition,
Scribner Book Company, 352 pages, 22 euros. 

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